- Philosophe, Sociologue et Théologien
- Président du CERCLECAD (Ottawa, Canada).
- Courriels : benkung01@yahoo.fr & nabiawazi@gmail.com
« Sorcelleries, sacrifices humains et blocages africains contemporains : Perspectives théologiques et politiques »
Préface du Professeur Benoît AWAZI MBAMBI KUNGUA[1]Alban MABIALA NSIMBA offre à la communauté scientifique mondiale un ouvrage sur les sorcelleries, solidement charpenté et corroboré par des faits, des histoires, des drames, des tragédies et des maléfices qui agitent la vie publique, politique et religieuse des sociétés africaines contemporaines. À la suite d’autres auteurs africains[2] et occidentaux[3], l’auteur présente avec conviction et rigoureusement le phénomène de la sorcellerie comme un « fait social total » aujourd’hui en Afrique subsaharienne et les diasporas subalternes en Occident. Le paradoxe autour duquel l’ouvrage se construit est celui de la contraposition explosive entre une modernisation technologique superficielle des sociétés africaines postcoloniales à la faveur de la mondialisation des révolutions numériques et un processus souterrain de re-traditionalisation[4] globale des schèmes cognitifs, culturels, religieux qui président aux interactions quotidiennes de la vie sociale. C’est l’exacerbation des crises postcoloniales et celles infligées par les projections néocoloniales des puissances hégémoniques qui pilotent mondialisation néolibérale[5] au XXIe siècle, qui constitue le lieu de compréhension totale[6] des ravages accrus de la sorcellerie partout en Afrique. Élites et masses confondues cherchent des stratégies de gestion étiologique, cognitive et thérapeutique des malices sorcières en réactivant les cosmogonies ancestrales sur fond d’une réappropriation dynamique et herméneutique de la Révélation christique et trinitaire[7] à la source des christianismes africains et diasporiques.Se manifestant comme « un fait social total », la recrudescence des croyances, pratiques, crimes, maléfices et meurtres rituels partout en Afrique, concerne toutes les strates sociales avec un processus d’arraisonnement de la vie politique, où des hommes politiques recourent aux sacrifices humains des enfants et des albinos pour accroître leur emprise magique sur les esprits, les imaginaires et les mentalités des individus et des multiples communautés auxquelles ils appartiennent simultanément. L’auteur a su ressortir la nocivité et la mortalité qui caractérisent les actes maléfiques des sorciers et enlisent les sociétés africaines dans l’anomie et la paralysie politique et intellectuelle. À la suite d’autres auteurs et analystes des sociétés africaines contemporaines, l’auteur a bien identifié les pathologies africaines des sorcelleries traditionnelles et des magies modernes et maçonniques importées par la colonisation européenne qui bloquent le décollage économique, intellectuel et politique des polities africaines postcoloniales. Mais toutes les allégations des sorcelleries ne sont pas réelles pour la simple raison que l’aggravation des crises, misères et criminalités partout en Afrique expliquent la prolifération des sectes irrationnelles qui voient le diable partout, déresponsabilisant ainsi complètement les acteurs humains de l’histoire. Ce qui est complètement hétérodoxe et contradictoire par rapport à l’anthropologie biblique et chrétienne qui reconnaît aux êtres humains une marge de responsabilité dans leur salut éternel, car « Dieu qui nous a créés sans nous, ne peut pas nous sauver sans nous », disait Saint Augustin d’Hippone.Vu l’expansion des christianismes aujourd’hui en Afrique (catholicisme, pentecôtisme, Églises évangéliques, Églises afro-chrétiennes et Églises du réveil), vu l’exhumation des magies pharaoniques[8] de l’Égypte ancienne par certains pseudo-égyptologues[9] africains et antillais, vu l’échec cuisant de la gestion endogène des 60 ans des « indépendances de pacotille » en cette année 2020, vu l’accélération du processus de déliquescence des solidarités ethno-familiales traditionnelles et compte tenu des marginalisations multiples infligées aux Africains du continent et des diasporas par les politiques prédatrices et discriminatoires de la mondialisation[10] marchande, technologique et virale ; les crises maléfiques des sorcelleries ne feront que s’exacerber de jour en jour en aggravant les misères protéiformes partout en Afrique et dans ses diasporas amnésiques.Alban Mabiala Nsimba achève son ouvrage par une forte concentration théologique et thérapeutique au Nom de la victoire éternelle du Dieu Vivant et Vrai sur les puissances diaboliques vaincues par la croix de Jésus de Nazareth. Les pratiques des exorcismes et des liturgies de brisure des liens diaboliques et autres envoûtements par les sorciers constituent une priorité théologique et pastorale dans toutes les Églises chrétiennes en Afrique. Le combat entre Dieu et le Diable (Satan, Baal, Bélial) traverse la Bible du début (Genèse) à la fin (Apocalypse) avec une victoire fracassante du Dieu Tout Puissant : « (…) Son visage resplendissait, tel le soleil dans tout son éclat. À sa vue, je tombai comme mort à ses pieds, mais il posa sur moi sa main droite et dit : « Ne crains pas, Je Suis le Premier et le Dernier, et le Vivant ; Je fus mort, et voici, je suis vivant pour les siècles des siècles, et Je tiens les clés de la mort et de l’Hadès. Écris donc ce que tu as vu, ce qui est et ce qui doit arriver ensuite. Quant au mystère des sept étoiles que tu as vues dans ma droite et aux sept chandeliers d’or, voici : les sept étoiles sont les anges des sept Églises, et les sept chandeliers sont les sept Églises. » (Apocalypse 1, 17-20).Je félicite et remercie l’auteur d’avoir mis puissamment l’emphase sur la victoire définitive de Jésus-Christ sur les forces diaboliques de Lucifer et l’action purificatrice de son Esprit Saint aujourd’hui dans son Église et dans le monde. C’est à juste titre que l’auteur a confessé publiquement sa Foi en la Victoire définitive du Dieu Vivant et Vrai sur les puissances du chaos, de la mort et de l’enfer à travers le « Mystère pascal de Jésus-Christ ». Cette dimension christologique et trinitaire du salut en Jésus-Christ Vivant aujourd’hui dans son Église par la puissance éternelle de son Esprit Saint dévoile la dimension cosmique et eschatologique de la foi chrétienne : « Pour finir, armez-vous de force dans le Seigneur, de sa force toute-puissante. Revêtez l’armure de Dieu pour être en état de tenir face aux manœuvres du diable. Ce n’est pas à l’homme que nous sommes affrontés, mais aux Autorités, aux Pouvoirs, aux Dominateurs de ce monde de ténèbres, aux esprits du mal qui sont dans les cieux. » (Éphésiens 6, 10-12).Cet affrontement entre l’Esprit de ténèbres sous l’étendard de Bélial (Satan, Béelzéboul, Diable) et l’Esprit Saint du Dieu Tout-Puissant et invincible constitue la pierre angulaire de la théologie mystique des Esséniens au bord de la mer morte dont Jean-Baptiste faisait partie. Les Manuscrits découverts à Qumrân à partir de 1945 et dans le désert de Juda comprennent des larges extraits du ‘’Rouleau de la Règle’’ où est exposée avec puissance la théologie fondamentale des deux Esprits antagoniques qui s’affrontent dans la vie et le cœur de tout être humain pérégrinant sur la terre. Mais Dieu seul a la prérogative de créer et c’est Lui-même qui a créé ces deux Esprits jusqu’à l’anéantissement eschatologique de l’Esprit du mal (Bélial) à la fin des temps : « Pour l’homme intelligent, afin qu’il instruise et enseigne les fils de lumière concernant la nature de tous les fils d’homme : toutes les espèces d’esprits qu’ils possèdent, avec leurs caractères distinctifs ; leurs œuvres, avec leurs catégories ; et la Visite (divine) où ils sont frappés, ainsi que les temps où ils sont heureux. Du Dieu des connaissances provient tout ce qui est et sera ; et, avant que (les êtres) ne fussent, Il a établi tout leur plan, et, lorsqu’ils sont, c’est d’après leurs statuts, conformément à son plan glorieux qu’ils accomplissent leur tâche, sans y rien changer. En sa main sont les lois de tous les êtres, et c’est Lui qui les soutient en tous leurs besoins. Et c’est Lui qui a créé l’homme pour qu’il eût l’empire sur la terre. Et il a disposé pour l’homme deux Esprits pour qu’il marchât en eux jusqu’au moment de sa Visite : ce sont les deux Esprits de vérité et de perversion. Dans une fontaine de lumière est l’origine de la Vérité, et d’une source de ténèbres est l’origine de la Perversion. Dans la main du Prince des lumières est l’empire de tous les fils de justice : dans des voies de lumière ils marchent ; et dans la main de l’Ange des ténèbres est tout l’empire sur les fils de perversion : et dans des voies de ténèbres ils marchent. »[11]Son ancrage dans le corpus paulinien constitue une source d’inspiration et de réconfort théologique et spirituel en la Puissance de Dieu, vainqueur de la mort. Le combat entre Yahvé et les idoles des nations sous la férule du Diable (Satan ou Bélial) traverse la Bible d’un bout à l’autre. La mort est entrée dans la création de Dieu par le Serpent, Père du mensonge dont le but est de soupçonner Dieu d’être mauvais, mais le Dieu de l’alliance éternelle a envoyé son Fils Unique Jésus-Christ, non pas pour juger le monde, mais pour le sauver de la mort éternelle : « Dieu, en effet, a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils, son unique, pour que tout homme qui croit en lui ne périsse pas mais ait la vie éternelle. Car Dieu n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui. Qui croit en lui n’est pas jugé ; qui ne croit pas est déjà jugé, parce qu’il n’a pas cru au nom du Fils Unique de Dieu. » (Jean 3, 16-18).Ottawa le 1er janvier 2021.Professeur Benoît AWAZI MBAMBI KUNGUA